La Chartreuse est l’une des liqueurs les plus emblématiques du patrimoine spiritueux français. Produite depuis plusieurs siècles par les moines chartreux, sa recette reste bien gardée, transmise de génération en génération.
Aux origines de la Chartreuse : un legs alchimique
L’histoire débute en 1605, quand les moines de la Chartreuse de Vauvert, à Paris, reçoivent un mystérieux manuscrit détaillant une liste de plantes et la formule d’un élixir végétal aux vertus médicinales. D’origine incertaine, ce texte est attribué à un apothicaire ou un alchimiste cherchant à élaborer un remède universel.
Pendant plus d’un siècle, les chartreux étudient et perfectionnent cette formule complexe, nécessitant pas moins de 130 plantes et épices. En 1737, la recette est finalisée à la Grande Chartreuse, en Isère : l’Élixir Végétal de la Grande Chartreuse (69% d’alcool) devient alors un remède prisé.
De l’élixir médicinal à la liqueur spiritueuse
Face à son succès, les moines adaptent leur recette en une version plus agréable à la dégustation. En 1764, ils lancent la Chartreuse Verte (55% d’alcool), plus douce et dotée d’une richesse aromatique marquée par des notes herbacées, elle séduit rapidement un public plus large.
Quelques décennies plus tard, une nouvelle version voit le jour : la Chartreuse Jaune, plus douce (40% d’alcool) et plus florale, vient compléter la gamme des liqueurs chartreuses.
La Chartreuse face à l’histoire
Le XIXᵉ siècle marque une période de troubles. En 1793, pendant la Révolution française, l’ordre est dissous et les moines sont chassés de leur monastère. La production est interrompue, mais Dom Basile Nantas parvient à préserver la recette en la confiant à des amis. En 1816, les moines récupèrent leur monastère et relancent la production.
En 1903, l’État expulse de nouveau les chartreux et nationalise la distillerie. Contraints à l’exil, ils s’installent à Tarragone, en Espagne, où ils poursuivent la production sous l’appellation « Liqueur fabriquée à Tarragone par les Pères Chartreux ». Pendant ce temps, la production française, reprise par des industriels, ne parvient pas à égaler la qualité des liqueurs des moines. En 1929, les chartreux récupèrent leur distillerie à Voiron et mettent fin à la production espagnole en 1989.
Une recette bien gardée
Encore aujourd’hui, seuls deux moines connaissent la recette exacte et le processus de fabrication. Ce secret garantit l’authenticité de cette liqueur d’exception.
La fabrication de la Chartreuse repose sur plusieurs étapes clés :
- Macération des plantes : 130 plantes, fleurs et épices infusées dans un alcool neutre pour en extraire les arômes et les principes actifs.
- Distillation : pour concentrer les arômes et façonner son caractère unique.
- Vieillissement : plusieurs années en fûts de chêne, pour affiner la palette aromatique.
Le succès mondial de la chartreuse
Longtemps perçue comme une liqueur traditionnelle, la Chartreuse connaît aujourd’hui un regain d’intérêt, notamment auprès des amateurs de spiritueux et des mixologues.Elle est utilisée dans de nombreux cocktails, comme le Last Word, un classique de la prohibition mêlant Chartreuse Verte, gin, marasquin et citron vert. Elle reste également très appréciée pure, servie glacée.
Les éditions limitées et les Chartreuses vieillies suscitent un fort engouement chez les collectionneurs : certaines bouteilles rares, comme les Chartreuses produites à Tarragone ou les cuvées spéciales, atteignent des prix impressionnants sur le marché des enchères.
Un héritage préservé par les moines
Malgré son succès commercial, la Chartreuse reste avant tout un produit monastique. Les bénéfices générés par la vente de la liqueur servent à entretenir l’ordre des chartreux et à financer des œuvres caritatives.
Les moines continuent de vivre selon leur règle stricte, dans le silence et la prière, à la Grande Chartreuse. Ils ne produisent qu’un volume limité chaque année, refusant d’accroître la production pour préserver la qualité et l’authenticité de leur liqueur.
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