Caroni Paradise #12

Située au sud-est de la capitale Port of Spain, la distillerie Caroni occupe une place à part dans l’histoire du rhum de Trinité-et-Tobago, ancienne colonie britannique devenue indépendante en 1962. Son nom, Caroni, désigne plusieurs toponymes — comté, fleuve, plaine et marais — de cette région de l’île, où la culture de la canne à sucre remonte à 1787.

Si l’année 1918 est souvent retenue comme date officielle de sa fondation, des archives attestent déjà de la production de rhum sur le site en 1914. En 1936, la sucrerie et la distillerie Caroni sont rachetées par le groupe britannique Tate & Lyle et intègrent la même année le domaine Esperanza, doté d’une colonne de distillation, puis, progressivement, plusieurs exploitations voisines : les plantations Bronte (1955) et Woodford Estate (1961), ainsi que la sucrerie St. Madeline Estate (1962). Durant cette période, Trinitéet-Tobago s’engage sur la voie de l’indépendance, un changement de modèle politique et économique qui entraîne la restructuration des industries locales, incluant le secteur sucrier et rhumier.

Face à la crise du marché sucrier caribéen, l’État prend le contrôle de Caroni en 1975. Le site est modernisé en 1984, avec l’installation d’une double colonne Blair et d’un pot still, en remplacement des anciennes colonnes en acier de 1914 et du Coffey still en bois datant de 1936.

La fermeture définitive de la distillerie en 2003 met un terme à près d’un siècle d’activité. Aujourd’hui, il ne subsiste de Caroni que des ruines silencieuses, envahies par la végétation. Dans l’atmosphère irréelle des sites désaffectés où la nature a repris ses droits, Caroni — non accessible au public — semble figée dans le temps. Quelques explorateurs urbains en ont rapporté des images saisissantes, témoignages de son passé industriel.

C’est à cette histoire que la série Caroni Paradise rend hommage. Faisant écho aux chais Paradis du cognac, la collection rassemble des single casks issus des stocks (1 388 fûts) de Caroni, rachetés par Velier entre 2006 et 2011, puis transférés en partie au Guyana chez Demerara Distillers. En 2019, les rhums furent acheminés en France, dans la région de Cognac, pour être transvasés dans des damesjeannes. Inaugurée en 2021 par deux single casks, la collection se prolonge avec cette nouvelle expression distillée en 1996, illustrée par l’artiste trinidadien Che Lovelace.