La tourbe

La tourbe

La récolte de la tourbe, au même titre que celle de l'orge, constituait jusqu'à la fin des années 1950 un moment important dans l'activité annuelle d'une distillerie. Dès la fin du printemps et tout au long de l'été, lorsque le climat trop doux ne permettait plus de distiller, les employés récoltaient la tourbe dans les tourbières. Cette tâche, désormais désuète, est encore pratiquée dans les Orcades et sur l'île d'Islay.

Les propriétés de la tourbe

La tourbe est issue de la décomposition de végétaux, bruyère, herbe et mousse, qui, après quelques milliers d'années, se transforment en un combustible composé de déchets organiques. Ressource naturelle, la tourbe se régénère à raison d'un millimètre par an. Dans le nord et l'ouest de l'Ecosse, de vastes étendues de tourbe se sont ainsi accumulées sur plusieurs mètres de profondeur. Sur l'île d'Islay, certaines tourbières datent de plus de 10 000 ans. En raison de son très fort taux d'humidité pouvant varier de 25% à 60%, la tourbe, en se consumant, ne produit que très peu de chaleur et génère des fumées épaisses et grasses qui permettent de sécher en partie le malt vert mais surtout de donner à ce dernier des arômes spécifiques de fumé.

La tourbe et le séchage

Sechage de la Tourbe

La tourbe, peat, est utilisée au cours de l'étape ultime du maltage, le séchage. Traditionnellement, celui-ci s'effectuait à l'intérieur d'un four, le kiln, équipé d'un plancher métallique perforé sur lequel le malt vert était étalé. Ces fours surmontés de pagodes, signe distinctif des distilleries, dont la fonction est désormais purement ornementale, étaient également alimentés en coke et en charbon. Grâce au maltage mécanique, de nouveaux combustibles (gaz naturel, fuel) ont été introduits, permettant de mieux contrôler les températures de séchage et de préserver les enzymes du malt.

La tourbe est essentiellement utilisée pour sa contribution à la palette aromatique des whiskies. C'est au cours des dix premières heures de séchage que la tourbe brûle et qu'elle imprègne de sa fumée le malt vert encore humide. La température ne doit pas dépasser 50°C afin de ne pas détruire les enzymes du malt. Une fois le taux d'humidité du grain ramené de 45% à 25%, la tourbe est relayée par un autre combustible qui achèvera le séchage de l'orge. Le malt, dont le taux d'humidité varie alors entre 4% et 6%, sera stocké dans des silos. L'échelle de valeur employée pour mesurer la quantité de tourbe présente dans le malt est le ppm (partie par million) de phénols. En Ecosse, dans la région du Speyside, le taux moyen de phénols oscille entre 2 et 3 ppm. Sur l'île d'Islay, ce taux peut atteindre 80 ppm.

Parfum de tourbe

La combustion de la tourbe donne naissance aux phénols, en particulier les crésols et les xylénols. L'intensité des arômes véhiculés par la fumée de tourbe dépend de la quantité de tourbe utilisée pour sécher le malt et de la température de brûlage. Les arômes les plus distinctifs sont ceux de réglisse, de feu de cheminée, de cendre, mais aussi de clou de girofle, de camphre et d'eucalyptus.

A l'extrême, les whiskies tourbés développent des arômes de poisson fumé, voire même de caoutchouc brûlé. Aujourd'hui l'orge maltée tourbée employée par les sept distilleries de l'île d'Islay provient essentiellement de la malterie de Port Ellen. Environ 2 000 tonnes de tourbe sont utilisées chaque année pour sécher le malt vert entrant dans l'élaboration de leurs single malts.