L'Irlande : le pays du whisky léger et très fruité

En Irlande, si la notion de région n'existe pas à
proprement parler, le whiskey irlandais se distingue toujours des
autres whiskies par son style inimitable empreint de douceur et de
fruité.
Pendant plus de 30 ans, Old Bushmills, la distillerie la plus ancienne
d'Irlande et Midleton, la
distillerie la plus récente et la plus technologiquement
avancée, ont cohabité au sein d'un même groupe,
Irish Distillers, racheté par Pernod Ricard en 1987. Cette
situation de quasi-monopole fut rompue en 2006 lorsque Diageo reprit des
mains du groupe Pernod Ricard la distillerie
Bushmills, permettant ainsi de
créer une saine émulation entre ces deux distilleries,
dignes représentantes de l'Irlande. Emulation favorisée
plus encore grâce à l'ouverture en 1987 de la distillerie
indépendante Cooley par John Teeling.
Irlande




TRIPLE DISTILLATION : LE FRUITÉ EXACERBÉ
Mis à part quelques distilleries écossaises, la
pratique de la triple distillation est l'apanage des distilleries
Bushmills et Midleton. En réalité seules les queues de
distillation, plus lourdes et plus huileuses, sont distillées
trois fois successivement dans le wash still, le low wine (ou feint)
still et le spirit still.
Les low wines (bas vins) les plus forts en alcool, obtenus à
l'issue de la première distillation, sont stockés avant de
rejoindre le troisième alambic. Au cours de la seconde
distillation, les queues, weak feints, sont écartées pour
être incorporées à la prochaine distillation.
L'alcool qui sort du second alambic (strong feints) titre environ 70%
vol. Il est à son tour stocké avant de subir une ultime
distillation qui permet de séparer les têtes et les queues
de distillation du cœur de chauffe. Le new spirit, futur whiskey,
titre environ 85% vol. Riche en têtes de distillation, il se
montre particulièrement fruité.
La distillerie Bushmills

NATURELLEMENT NON TOURBÉ
Omniprésente en Irlande, la tourbe est rarement utilisée pour le séchage de l'orge. Seule la distillerie Cooley, située au nord de Dublin, produit un single malt tourbé, distillé deux fois. Chez Bushmills, au nord de Belfast, et Midleton, près de Cork, le malt vert (orge germée) est séché en insufflant de l'air chaud dans des fours fermés afin qu'aucune odeur de combustible ne vienne imprégner l'orge maltée.
La distillerie Midleton

PURE POT STILL : LA TRADITION IRLANDAISE
Elaboré à l'origine à partir d'un mélange
de céréales (orge maltée et non maltée,
avoine, blé, seigle), le pure pot still est le plus
traditionnel des Irish whiskeys.
Si l'avoine, le blé et le seigle ne sont plus utilisés,
Midleton continue de perpétuer cette tradition, Bushmills ayant,
à la fin du XIXe siècle, opté pour
l'élaboration de single malts. Le fruité exubérant
(fruits rouges, fruits exotiques) et le caractère
épicé du pure pot still résultent de la
présence de 40% à 50% d'orge non maltée. Midleton
élabore trois types de pure pot still : light (léger),
medium ou modified (moyennement corsé), heavy (riche). Plus le
pourcentage de queues de distillation contenu dans le cœur de
chauffe est élevé, plus le whiskey est riche et
corsé.
En 2011, pour mieux affirmer l'identité unique et culturel de ces
whiskeys - et mieux mettre en valeur le fait qu'ils sont actuellement
tous produits au sein de la distillerie de Midleton - il a
été décidé de créer une appellation
supplémentaire, le Single Pot Still, qui devra permettre de les
remettre au même niveau que les single malts écossais.

LA TAILLE DES ALAMBICS : SOURCE DE LÉGÈRETÉ
Au milieu du XIXe siècle, afin de faire face à l'essor
des blends écossais bon marché, les Irlandais se
tournèrent vers des alambics pot still de grande taille pour
produire leur whiskey.
L'ancienne distillerie Midleton possédait le plus grand alambic
au monde. D'une capacité de 140 000 litres, il fonctionna
jusqu'en 1975.
Les distilleries irlandaises sont toujours équipées
d'alambics "géants" (en moyenne six fois plus grands qu'en
Ecosse) où seules les vapeurs d'alcool les plus volatiles
parviennent jusqu'en haut du col de cygne avant d'être
condensées. Le distillat ainsi obtenu se révèle fin
et léger.
Les alambics de Midleton

VATTING : UN ART POUSSÉ À LA PERFECTION
Les distillateurs irlandais sont passés maîtres dans
l'art de l'assemblage (vatting).
Chez Bushmills ou Midleton, on assemble respectivement des single malts
et des pure pot stills d'âge et de nature différents
à des alcools de grain à fort pourcentage de maïs. Le
Bushmills Black Bush, à 80% de malt, illustre à merveille
la qualité des blends irlandais.
Au début des années 1970, les Irlandais se sont
penchés sur la question du vieillissement. L'accent a
été mis sur l'utilisation de fûts de bourbon ou de
xérès de premier remplissage et sur des affinages
spécifiques (porto, madère). L'une des plus belles
réussites est un Bushmills vieilli intégralement en
fût de rhum à l'exotisme fruité-épicé
étonnant.
Des fûts de Midleton